OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les plans des pirates par eux mêmes http://owni.fr/2011/09/20/partis-pirates-europe-suede-allemagne-engstrom-falkvinge/ http://owni.fr/2011/09/20/partis-pirates-europe-suede-allemagne-engstrom-falkvinge/#comments Tue, 20 Sep 2011 09:37:16 +0000 Media Hacker http://owni.fr/?p=79864

À 51 ans, le Suédois Christian Engström est député européen depuis 2009. Ancien membre du Parti libéral, cet ingénieur en informatique milite au sein du Parlement européen pour la défense des libertés sur Internet.

Vous vous attendiez à un tel succès ?

Pour être parfaitement honnête, non. Ça a été une énorme surprise pour tout le monde je crois. Il y a trois mois, ils étaient à 3% dans les sondages. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé à Berlin, mais je suis très très heureux de ce fantastique succès.

Pensez-vous que c’est parce que le PP allemand s’adresse à de jeunes gens, particulièrement via les réseaux sociaux ?

Je crois savoir qu’effectivement, ils sont plus présents chez les jeunes électeurs que chez les plus âgés. Mais c’est ce à quoi on peut s’attendre : c’était presque exactement la même situation pour nous en Suède, quand nous sommes entrés au Parlement en 2009. En fait, ce sont les jeunes gens qui comprennent Internet, et qui sont conscients de l’importance des problématiques qui lui sont liées.

Il y a-t-il des propositions qui sont communes aux différents partis pirates (PP) européens ?

Oui, le cœur des propositions est commun aux différents partis pirates: nous voulons protéger les droits fondamentaux sur Internet, nous voulons légaliser l’échange de fichiers et réformer le droit d’auteur. J’ai cru comprendre que les Berlinois ont étendu cette plateforme commune à d’autres thèmes qui sont spécifiques à Berlin : la fin des amendes dans les transports publics par exemple.

En tant que député européen pirate, comment faites-vous avancer vos idées ?

De nouveaux sujets apparaissent continuellement au Parlement européen. Cet automne par exemple, le traité ACTA sera à l’ordre du jour. Il s’agit d’un accord commercial entre l’Union Européenne et les États-Unis, qui a pour but d’encourager les États-Membres à introduire des lois de type Hadopi dans leur législation.

Je fais partie du groupe Les Verts au Parlement Européen. Avant les élections, nous avions déclaré que nous rejoindrions le groupe le plus proche de nos positions. Et cela a été les Verts, mais les libéraux étaient également proches de certaines de nos propositions. Je suis très satisfait de faire partie de ce groupe, avec qui la coopération se passe à merveille.
Il est d’ailleurs assez intéressant d’observer qu’à Berlin, les pirates ont pris un certain nombre de voix aux Verts : c’est naturel, puisqu’ils sont proches de nous, mais ils ne vont pas assez loin, apparemment.

Pensez-vous que ce résultat constitue le début d’un mouvement à l’échelle de l’Europe ?

Absolument. Il y a des partis pirates dans une quarantaine de pays, la plupart étant très petits. Partout où vous avez Internet et des jeunes, il y a un parti pirate, et ces questions sont sur la table.

Le Suédois Rick Falkvinge est le « père » du mouvement des PP. C’est lui qui a lancé l’idée en décembre 2005, qui sera ensuite reprise dans plus de quarante pays. Il s’est depuis retiré du PP, tout en continuant d’évangéliser. Il nous a répondu du siège du PP à Berlin.

Pourquoi un tel succès ?

Le Parti Pirate allemand, je pense, est celui qui est allé le plus loin dans la compréhension de la société de l’information. Il y a beaucoup de parallèle avec l’émergence des partis écologiques il y a 40 ans. Ils sont partis d’une plateforme étroite et un sens de la communauté dans les pays avec des partis verts et petit à petit, ils ont étendu leurs politiques hors de leur sphère initiale, tout en gardant un sens fort de la communauté. Durant les élections de 2010 en Suède, la raison majeure pour laquelle les gens n’ont pas voté pour nous était que nous n’avions pas une plateforme complète. Le PP allemand a amélioré ce point et il me semble que nous pouvons nous appuyer sur la croissance et le développement des Verts pour prédire les prochaines étapes du mouvement du PP.

Les PP ont-ils une plate-forme commune ?

Il existe certainement un noyau commun. C’est formulé de façon quelque peu différente d’un PP à l’autre mais la démocratie, la transparence, le droit à la vie privée (privacy, ndlr) et les autres libertés civiles et l’amour du partage et de l’Internet.

Est-ce le début de l’explosion des PP ?

Les PP ont maintenant des sièges dans cinq pays. Nous continuons d’apprendre les uns des autres, et nous agissons bien plus vite que les autres mouvements politiques qui nous ont précédés. Je m’attends à ce que nous soyons présents dans la plupart des parlements européens d’ici dix ans.

C’est une longue période pour nous qui sommes habitués à résoudre un problème en une session de code de 24 heures, mais c’est un battement de cils en politique. Alors pour les personnes qui reculeraient devant cette longue perspective : nous ne sommes pas de vrais hommes politiques parce que nous le voulons mais parce que nous avons à. Et comme c’est une obligation, nous devons nous assurer qu’on s’amuse tout le long, également.

Maxime Rouquet est le président du Parti Pirate français, créé en 2006. Le PP s’est présenté pour la première fois à un scrutin en 2009, dans le cadre d’une législative partielle.

Comment expliquez-vous le succès du Parti Pirate en Allemagne ?

Ce succès était annoncé depuis quelques jours, on voyait une montée du PP dans les sondages. Je pense qu’ils ont été diffusés massivement après avoir dépassé un seuil minimal dans les sondages, cela leur permettait d’être annoncé au même plan que les plus gros partis, parmi les six principales forces politiques. Certains électeurs qui ne connaissaient pas le PP ont pris connaissance des idées qu’il défend et de leur intérêt.

De plus en Allemagne, il y a un grand attachement aux libertés individuelles, à la liberté d’expression, à la défense de la vie privé, ces thèmes parlent beaucoup aux Allemands, en particulier les plus jeunes, du moins ceux sensibilisés aux nouvelles technologies et leurs enjeux. C’était une bonne opportunité pour les citoyens de montrer leur attachement à ses sujets.

Que manque-t-il au Parti Pirate français pour rencontrer un tel succès ?

Nous avons du retard par rapport à nos homologues germaniques car ils ont déjà participé à une élection législative d’envergure nationale où ils avaient obtenu 2%. Ce score leur a ouvert le financement public, ils ont donc davantage de moyens, même s’ils avaient à Berlin moins d’argent que les autres partis, à peu près 40.000 euros. Ils sont aussi plus connus du public puisque tous les Allemands ont déjà eu la possibilité de voter pour le Parti pirate. En France, nous participerons l’année prochaine à une élection similaire, avec les législatives, nous espérons motiver assez de personnes pour se présenter, et devenir d’ici un ou deux ans la 5ème ou 6ème force politique du pays.

Comment allez-vous préparer les prochaines échéances électorales ?

Nous avons deux échéances importantes à venir : d’une part une échéance “interne”, avec l’assemblée générale du 16 octobre. Les membres pourront voter, nous sommes très attachés à la démocratie directe et participative. Et d’autre part les élections législatives de juin 2012. Le Parti Pirate aurait sa place au Parlement pour rétablir une véritable défense des droits des citoyens, mais les législatives seraient aussi et avant tout l’occasion de participer à une campagne d’envergure nationale.

En plus de faire découvrir nos idées au grand public, le résultat aux élections législatives détermine le droit éventuel au financement public des partis. Un bon résultat nous donnerait donc des moyens supplémentaires pour défendre nos idées, et diminuerait notre handicap par rapport aux partis déjà en place.

Nous réunissons en ligne beaucoup de sympathisants, mais il est plus délicat de trouver des volontaires pour participer à des actions AFK (ou IRL), et nous en aurons besoin pour les campagnes électorales. Afin de permettre aux pirates de chaque région de se rencontrer et les
habituer à agir ensemble, nous avons lancé un appel à organiser des pique-nique “pirates” dans chaque région le 4 septembre : plusieurs grandes villes de France ont ainsi réuni quelques dizaines de pirates motivés.

Nous espérons que cette initiative prendra de l’ampleur dans les prochains mois, et que les citoyens se saisiront de cet outil qu’est le Parti Pirate pour se réapproprier la vie politique et rétablir une véritable défense de leurs droits.

Pensez-vous que les Partis Pirates vont monter en puissance, sur la lancée de ce succès ?

Ce résultat montre que de plus en plus de citoyennes et de citoyens sont prêts à voter pour le Parti Pirate. Cela vient confirmer la crédibilité du mouvement des Partis Pirates, et nous anticipons évidemment un essor de celui-ci dans les différents pays où un Parti Pirate est présent. Dans chaque pays, la démarche du mouvement des Partis Pirates est plus que jamais d’actualité. Ces idées sont partagées par un nombre croissant de citoyennes et de citoyens, quelle que soit leur sensibilité politique. Pour peu que nous fassions la preuve de notre crédibilité et que nous nous montrions dignes de leur confiance, comme le Piratenpartei l’a fait à Berlin, le Parti Pirate a le potentiel pour devenir un parti bien ancré dans le paysage politique et faire passer ses réformes.

Le résultat du Piraten Partei à Berlin est un nouveau signal fort à l’encontre de tous ceux qui, une fois au pouvoir, sacrifient les libertés et droits des citoyens au profit de quelques lobbies. Le Parti Pirate est un mouvement tourné vers l’avenir. Il est temps de prendre le vent des nouvelles technologies et des nouveaux usages, plutôt que s’ancrer dans des idéologies du passé et défendre des situations de monopole qui n’avantagent plus que quelques intermédiaires.

Propos recueillis par Sabine Blanc et Guillaume Ledit


Crédit CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales Fanboy30 et Paternité mac_filko

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Instrumentalisation de la pédo-pornographie en Europe http://owni.fr/2010/06/09/instrumentalisation-de-la-pedo-pornographie-en-europe/ http://owni.fr/2010/06/09/instrumentalisation-de-la-pedo-pornographie-en-europe/#comments Wed, 09 Jun 2010 09:15:40 +0000 Astrid Girardeau http://owni.fr/?p=17821 En avril, une déclaration écrite “sur la création d’un système d’alerte rapide européen (SARE) contre les pédophiles et les auteurs de harcèlements sexuels” a été déposée au Parlement européen. Derrière est caché un autre objectif : obliger les moteurs de recherche (Google, Yahoo, Bing et les autres) à conserver des données. Il y a une semaine, en découvrant la teneur réelle du texte, des eurodéputés ont retiré leur nom de la liste des signataires de cette déclaration. Au-delà, cela pose de nouveau la question de l’instrumentalisation de la lutte contre la pédo-pornographie pour faire voter des lois enfreignant les libertés fondamentales, et ensuite les étendre, par exemple, au cadre de la propriété intellectuelle.

La déclaration écrite 29, qu’est-ce que c’est ?

Le texte, dit déclaration 29 (PDF) a été déposé le 19 avril dernier, à l’initiative de Tiziano Motti et d’Anna Zaborska, deux députés européens du PPE (Parti chrétien-démocrate), le groupe le plus important au Parlement.

Il comporte deux points :

- le premier propose la création d’un Système d’Alerte Rapide Européen (SARE), soit un moyen coordonné entre les États membres pour combattre la pédo-pornographie et le harcèlement sexuel.

- le second “invite le Conseil et la Commission à mettre en œuvre la directive 2006/24/CE en l’étendant aux moteurs de recherche pour contrer avec rapidité et efficacité la pédo-pornographie et le harcèlement sexuel en ligne”.

Étendre la conservation des données aux moteurs de recherche

La directive 2006/24/CE à laquelle il est fait référence, concerne la conservation des données. Elle a été adoptée au cours de la législature précédente, après une forte pression du Conseil, et malgré une opposition de la Commission des Libertés civiles. Elle exige que les fournisseurs d’accès Internet (FAI) et opérateurs de téléphone conservent, pendant une période allant de six mois à deux ans, des données permettant notamment d’identifier la source, la destination, la date et la durée d’une communication. Cela concerne uniquement des données techniques. En aucun cas cela porte sur le contenu des communications.

Dans quelles conditions, pour lutter contre la pédo-pornographie, cela pourrait être “étendu” aux moteurs de recherche ? La déclaration 29 est plus qu’imprécise. Elle n’indique ni la nature, ni les conditions de conservation de ces données. Contactés par nos soins, les auteurs de la déclaration, Tiziano Motti et Anna Zaborska, n’ont pas donné suite.

Quelles sont les conséquences d’une telle déclaration ?

Une déclaration écrite n”a pas d’effet législatif direct. Mais, quand elle est adoptée, elle indique la position officielle du Parlement européen sur le sujet. Elle est un signal important envers la Commission.

Or, d’ici septembre, la commissaire aux Affaires Intérieures, Cécilia Malmström, doit justement évaluer la façon dont la directive sur la conservation des données a été transposée. Cela pourrait être suivi d’une révision du texte avant fin 2010. À noter que Cécilia Malmström est également l’auteur de la proposition de directive “relative à l’exploitation et aux abus sexuels concernant des enfants et à la pédo-pornographie”, qui vise notamment à instaurer un filtrage des contenus au niveau des FAI.

Si la déclaration 29 requiert le nombre suffisant de signatures, la Commission pourra en tenir compte dans son évaluation. Pour être adoptée, une déclaration écrite doit être signée par la moitié des membres inscrits, soit 369 signatures. À ce jour, la déclaration en a recueilli 324. Il est donc très vraisemblable qu’elle soit bientôt adoptée. À moins qu’il y ait un vaste mouvement de retrait.

“Malhonnête intellectuellement”

Le fait d’étendre la directive sur la rétention des données aux moteurs de recherche est totalement occulté dans les différents supports utilisés pour inciter les eurodéputés à apposer leur signature à la déclaration 29. La communication est uniquement basée sur la création du Système d’Alerte (SARE), ce à quoi beaucoup d’eurodéputés adhèrent.

En effet, ceci n’est pas mentionné dans le texte de présentation de la déclaration (PDF), disponible sur un site Internet dédié et curieusement intitulé “smile29″. Il ne l’est pas plus ni sur les plaquettes distribuées au sein du Parlement européen, ni dans les mails envoyés aux eurodéputés.
“Ce point sur l’extension de la rétention des données n’est indiquée nulle part sur les prospectus distribués à l’ensemble des députés et sur le site smile29, ce qui est malhonnête intellectuellement”
nous indique l’euro-députée Françoise Castex (S&D) qui, depuis, a retiré son nom de la liste des signataires.

De plus, dans le texte même de la déclaration (PDF), le nom de la directive n’apparaît pas ; elle est simplement référencée par son numéro (“directive 2006/24/CE”), sans préciser ou rappeler de quoi il s’agit.

“Nouvelle brique à la société de surveillance”

La semaine dernière, le sujet a fait du bruit en Suède. Alertés sur la teneur réelle de la déclaration 29, des euro-députés ont réagi publiquement.

“Cette proposition ajoute une nouvelle brique à la société de surveillance, écrit Christian Engström, du Parti Pirate, sur son blog. Si cette déclaration est adoptée, Mme Malmstrom va rajouter de l’essence sur le feu. Elle pourra poursuivre sa croisade contre un Internet libre et ouvert sous la bannière de la pornographie enfantine.”

Avec Lena Ek (ADLE), il a adressé une question écrite à la Commission à ce sujet.“L’UE n’a pas le droit de fouiner dans ce que les gens recherchent en ligne. Le droit à la vie privée est la pierre angulaire d’une société libre”indique Lena Ek dans un communiqué de presse.

Parallèlement, des eurodéputés ont annoncé le retrait de leur signature, et exhorté leurs collègues à faire de même. Ainsi, Cecilia Wikstrom (ADLE) a envoyé un mail expliquant comment elle avait été induite en erreur. Elle dit avoir retiré sa signature et invite ses collègues à la suivre. “Cecilia Wikstrom est un exemple clair de la façon dont les députés ont été trompés. Quand elle a été contactée à ce sujet, elle a expliqué ne pas avoir eu connaissance d’avoir fait quelque chose destiné à renforcer la directive sur la conservation de données, et a immédiatement retiré sa signature” explique le bloggeur suédois Marcin de Kaminski.

Selon le site DN, neuf eurodéputés suédois auraient déjà fait marche arrière. Et le mouvement a commencé à se rependre au sein du Parlement européen. Dans un mail intitulé “Warning about written declaration on paedophiles (no 29)” que nous nous sommes procurés, l’allemand Alexander Alvaro (FDP) soutient l’appel de Cecilia Wikstrom, et appelle, à son tour ceux qui auraient signé la déclaration “sans avoir connaissance du problème mentionné” à retirer leur signature.

“Le fait d’accéder, en connaissance de cause”

Comme dit plus haut, la commissaire Cécilia Malmström, en charge de la directive sur la conservation des données, est également l’auteur de la proposition de directive (PDF) pour lutter contre la pédo-pornographie. Outre l’article 21 visant au filtrage de contenus sur Internet, un autre article, le 5, dit : “Le fait d’accéder, en connaissance de cause et par le biais des technologies de l’information et de la communication, à de la pédo-pornographie est passible d’une peine privative de liberté maximale d’au moins un an.”

Reste à comprendre le sens et la portée de : “le fait d’accéder en connaissance de cause”. Nous avons posé la question au bureau de Cécilia Malmström qui n’a pas donné suite. Selon Cédric Manara, professeur de droit à l’EDHEC : “cela a pour objet de viser celui qui cherche des contenus sensibles, pas celui qui tomberait dessus par hasard”.

Au regard de la déclaration 29, on peut donc se demander si cela pourrait concerner la saisie de mots-clés explicites dans un moteur de recherche.

L’atteinte aux droits fondamentaux au nom de la pédo-pornographie

Si l’objectif est bien la conservation des mots-clés, cela porterait directement atteinte aux libertés fondamentales des internautes. Tout comme le filtrage prévu par la directive, et sur lequel le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) a émis un avis très critique quand à son impact “sur les droits fondamentaux à la vie privée et à la protection des données” (lire article).

Cependant nous explique Cédric Manara : ” les libertés fondamentales peuvent faire l’objet d’exceptions pour la protection de valeurs supérieures, par exemple pour protéger l’ordre public. Dans ce cadre, la lutte contre la pédo-pornographie peut ainsi justifier certaines mesures restrictives de libertés fondamentales.” Et de poursuivre : “le problème est que, depuis plusieurs années, on met toujours en avant la lutte contre la pédo-pornographie pour montrer que certaines pratiques sont possibles afin de chercher ensuite à les étendre tous azimuts”. Selon lui : “on cherche à provoquer des mesures de filtrage ou de blocage pour des raisons exceptionnelles et impérieuses (en mettant en avant la protection des enfants et des valeurs fondamentales), et un jour venu on dit : ça existe pour ces contenus-ci, on doit donc pouvoir les étendre à ces contenus-là”.

Instrumentalisation et glissement

Ce glissement, sous couvert d’assimilation et d’instrumentalisation, n’est plus à démontrer. Par exemple, en 2008, Jérôme Roger, représentant de la Société Civile des Producteurs de Phonogrammes en France, expliquait à PC Inpact:“les solutions de filtrage qui pourraient être déployées à cette occasion [lutte contre la pédo-pornographie, ndlr] devraient faire l’objet d’une réflexion à l’égard des contenus, dans le cadre de la propriété intellectuelle”.
Plus récemment, dans les colonnes du New York Times, Bono (U2) lançait : “Nous savons par le noble effort de l’Amérique pour stopper la pédo-pornographie, sans parler de l’effort ignoble de la Chine pour réprimer la dissidence en ligne, qu’il est parfaitement possible de suivre le contenu”, mettant au même niveau le combat contre la pédo-pornographie, la censure chinoise et le droit d’auteur.

Pour Jérémie Zimmermann, porte-parole de la Quadrature du Net : “Qu’il s’agisse de “protection” des artistes ou de l’enfance, la ficelle est la même : instrumentaliser un argument émotionnel fort pour justifier d’aller vers toujours plus de contrôle du réseau et des communications entre individus. Hadopi, Loppsi, ACTA, rapport Gallo, etc., c’est une seule et même offensive contre un Internet ouvert et libre.”
Sur le même sujet :
- Loppsi : Le Sénat opte pour un filtrage sans juge
- L’autorité européenne de protection des données critique le filtrage

Image CC Flickr Laughing Squid

À lire aussi : Une association de victimes de pédocriminels s’élève contre le blocage des sites ; La pédopornographie au secours des majors

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